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1984, 108 ème édition, discours Christian Susini 3/4

Mais Pierre PICON faisait partie de ces maîtres dont nous ne subissions l'influence que pendant une année (au mieux deux années en cas de redoublement) En revanche, d'autre figures nous accopagnaient tout au long de notre scolarité. Je pense en particulier à notre Professeur d'éducation musicale : Mademoiselle SICARD. Qui ne se rappelle ne l'avoir vue dans les rues du PUY au volant d'une vieille guimbarde Citroën, poursuivant imperturbablement son chemin au mépris des règles plus élèmentaires de la priorité à droite,ignorant avec une égale innocence sens unique et stationnement interdits. Il est vrai qu'enseigner la musique aux bahutiens que nous étions ne devait pas être une tâche de tout repos. Beaucoup d'entre nous apportaient aux activités musicales qu'une attention est une énergie que l'on pourrait qualifier au mieux de flottantes,voire un peut relâchées. Lors des séances de chant, je me rappelle que la classe était assez nettemant partagée en deux groupes. Il y avait ceux des premiers rangs qui, compte tenu de la proximité de l'enseignante mais aussi parce qu'ils aimaient vraiment chanter, suivaient avec assez d'exactitude les paroles du chant. Par contre, dans les derniers rangs, avec au milieu une zone indècise, une sorte de no man's land dont les frontières étaient mobiles on paraissait s'époumoner avec entrain et dans la joie, si ce n'était que le texte subissaient des modifications notables et même des altérations inquiétantes. Le " Chant de Allobrogues " en particulier prenait dans le fond de la classe une tournure de moins en moins recommandable. Je dirais même que certaines versions qui fleurissaient plus ou moins spontanément sous l'impulsion de nos phantasmes adolescents frisaient une inconvenance qui n'aurait pas manquer de troubler les oreilles et la conscience de n'importe quelles lycéenne, d'alors bien sûr...

Toutefois le chant ne constituait que l'une des faces du cours d'éducation musicale de Mademoiselle SICARD dont l'ambition était de faire de nous des citoyens responsables. Ne nous répétait-elle pas, au moins une fois par mois et en dépit de toute évidence contraire, ces paroles : " Qui dit lycéen, mes enfants dit garçons bien élevé ". Afin de mettre en pratique une aussi seine conception des choses , mademoiselle SICARD avait institué une fois par mois une cérémonie dont la finalité n'avait que d'assez lointains rapports avec l'activité musicale. Certain parmi nous s'en souviennent peut-être encore, il s'agissait de la collecte pour " L'Ami Inconnu ". Chaque mois donc, avec une régularité exemplaire, Mademoiselle SICARD venait en classe apportant avec elle un entrefilet du journal local relatif à ce que nous nommerions " un cas social ". L 'entreprise était bien sûr louable, encore qu'elle eût pu paraître curieuse aux yeux d'un inspecteur général. Après une lecture lente destinée à permettre l'éclosion en nous, tout à la fois de l'attention et de l'émotion, venait ce que nous désignerons comme la mise en acte. Un élève choisi par le professeur se levait de sa place et passait entre les tables, tenant à la main un profond chapeau (un béret de ceux que nous portions à l'époque, eut été, vut les résultats mieux adapté aux circonstances). Une fois la collecte achevée, venait le moment le plus attendu par toute la classe mais aussi le plus éprouvant pour la confiance dont Mademoiselle SICARD avait bien voulu nous honorer. En effet, le chapeau retourné, laissait d'emblée voir la disparate de cette collecte. Deux tas prenaient alors forme : dans l'un quelques pièces de 10 ou 20 francs (de nos centimes actuels) que soit l'émotion, soit une mauvaise conscience passagère avait tiré de la poche de certains; dans l'autre un tas impréssionnant d'objet divers (boutons de vestes ou de culottes, jetons en carton ou en plastique) dont la valeur fiduciaire était loin d'étre négociable. Alors Mademoiselle SICARD déçue et scandalisée, comme si chaque nouvelle fois était toujours la première, s'épanchait en amères réflexions sur les " Petit Voyoux " et les " sans-coeurs " qui peuplait ce respectable établissement . Au fond, nous l'aimions bien et nous regrettions un peut qu'elle confondît notre conduite passagère d'adolescents avec un attachement assez profond, je crois, que nous avions pour elle. Et je laisse ici l'évocation de notre professeur de musique, qui était bonne, mais dont la distraction (car elle vivait comme dans un autre monde) était telle qu'il lui arriva, un jour d'hivert, alors qu'une boule de neige avait travresé la salle vers on ne sait quelle cible, il lui arriva donc de rammasser au sol le projectile rudimentaire et pour le moins éphémère et de la posser sur le bureau à proximité d'un paquet de copies en prononçant ces parole mémorables " Et bien, mes enfants, je montrerai à la fin du cours, l'objet du délit à Monsieur le Proviseur ! ".

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Retour - Publié le Mercredi 04 Février 2009

 

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