Vous êtes ici : Accueil > 2005, 129 ème édition, discours de Michel de Gaudemard

Partager

2005, 129 ème édition, discours de Michel de Gaudemard

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux d’être parmi vous. Étonné pourtant de me retrouver là, debout, sur le point de prononcer le discours délicat de notre St-Charlemagne. Votre choix m’honore et je vous en remercie mais mon petit ‘’ parcours ‘’ entre St Jean de Nay, Le Puy-en-Velay, St Etienne et retour ne m’y destinait guère.

Que puis-je donc faire pour vous ? Faute d’être un peu célèbre, tout reste à faire, il ne reste plus qu’à célébrer … Je vais donc saisir au vol l’occasion que vous m’offrez de rendre hommage à mon maître. En effet Monsieur Pierre PICON m’a donné jadis mon métier et ma passion dans la salle 03 du vieux lycée de la rue Général Lafayette.

Année après année, les orateurs de la St-Charlemagne ont déjà confié avant moi leur dette envers leur professeur de philosophie; ils ont dit avoir conservé pieusement les cahiers sur lesquels ils copiaient leurs cours, dans un sanctuaire secret. Mais quoi, ces cahiers sont restés sur ma table, ils m’ont servi à mesurer ce que j’avais à faire pour parvenir à donner aux autres l’amour de la philosophie que notre professeur avait su nous léguer.

Il nous a appris à réfléchir de façon personnelle dans la ligne de NIETZCHE : ’’ Ceci est mon chemin, où est le vôtre ? Voilà ce que je répondais à ceux qui me demandaient ’’ le chemin ’’. Le chemin, en effet, il n’existe pas ’’ ( NIETZCHE ).

Pourtant je suis un des rares à avoir eu le culot d’emprunter le même trajet que ’’ le Pierre ’’ pour trouver mon chemin, à avoir osé le parcourir après lui et sans lui. Je suis donc bien placé pour parler enfin de ce qu’il y a dans ces cahiers, pour les rouvrir avec vous. Ainsi l’honneur que vous me faites, de façon bien aventurée, ne sera pas gaspillé puisqu’il sera légitimement rendu à qui de droit.

Il est des rencontres qui changent complètement l’orientation d’une vie. Je suis là pour évoquer une de ces rencontres : avant, pendant, après.

Avant ? Je suis né à Dakar en 1942. Ma mère avait abandonné son métier d’institutrice à Beyssac pour suivre mon père, capitaine d’infanterie coloniale. La carrière militaire de celui-ci avait commencé de bonne heure, sans avoir été vraiment choisie.

Le 17 décembre 1914, il avait été mobilisé à Salon de Provence et affecté au 38 ème d’infanterie à St Etienne à la caserne Rullière. Le 2 novembre 1917 au ’’ chemin des dames ’’, il fut cité à l’ordre de la division. Il resta dans l’armée après la guerre pour être envoyé, avec les tirailleurs sénégalais, au Maroc, au Tonkin, en Chine à Shanghai, en Cochinchine à Saigon, au Soudan à Bandiagara, au Sénégal.

A la mort de mon grand-père Alexandre BOYER qui avait été président du Conseil Général de la Haute-Loire de 1937 à 1940, mon père prit sa retraite à St Jean de Nay. Il suivait avec émotion les actualités et je l’écoutais commenter nos campagnes militaires. Influencé sans doute, j’avais joué presque exclusivement aux soldats de plomb, pendant toute mon enfance.

Mon père avait commandé le poste de Laïchau au Tonkin en 1932 et rédigé une monographie sur les dépenses de ce poste. Ce n’était pas très loin de Diên Biên Phu et dès les premiers jours de la fameuse bataille de 1954, j’avais pu l’entendre exprimer sa colère : ’’ Cette cuvette est indéfendable, c’est le pire endroit pour une confrontation. C’est perdu d’avance ’’.

Comme les évènements lui donnaient souvent raison, je fus alors, dans son ombre ( deux années de PMS ), en rêvant de préparer un jour Saint-Cyr, étroitement solidaire des engagements militaires de mon pays. Je n’avais pas encore entendu le message de Pierre PICON : celui de l’exigence d’universalité au delà de nos vérités subjectives.


Pourtant ma mère, entrée à l’école normale d’institutrice avec 18 en français et 1 en math, m’avait communiqué sa passion de la lecture buissonnière et, en lisant ’’ Guerre et Paix ’’ de TOLSTOÏ à douze ans, j’avais découvert avec inquiétude qu’il peut exister un point de vue légitimement différent du nôtre sur nos avancées à l’étranger.

Mais pour approfondir les raisons de cette inquiétude, pour rencontrer des professeurs susceptibles de nous former ou de nous réformer, il fallait d’abord entrer au Lycée Charles et Adrien DUPUY et ce n’était pas une mince affaire.

Il y avait un examen : l’examen de sixième. L’institutrice, Madame GONDOL nous y préparait à St Jean de Nay, comme pour un concours, avec un examen blanc à passer à Cereix, chez Madame CHALENDARD, un autre à Beyssac, chez Monsieur BESSAT. Il fallait prendre tout seul la coursière, à neuf ans, avec son petit cartable … et la trouille aux fesses, avec pour seule ’’ cellule de soutien psychologique ’’ la ’’ tendre indifférence de la nature ’’ ( CAMUS ), celle de nos petits sentiers encore humides de la rosée du matin.

Mon premier contact avec l’équivalent du stress d’un prof de prépa, je suis sûr que c’est celui de cette institutrice toute blême d’anxiété, en haut des marches du lycée de filles, pour me demander : ‘’ Combien as-tu trouvé au problème ? ’’ ou ’’ Comment as-tu écrit tel mot ? ’’ et respirant de mieux en mieux, peu à peu rassurée. Nous étions tellement bien préparés : BROUSSARD, LIGONIE, BOYER et les autres, que nous ne pouvions guère échouer.

Il nous restait à découvrir l’internat. Yves TAVERNIER vous a tellement bien décrit l’année dernière son bizutage, sa vie rude et spartiate que je ne pourrais que reprendre son vivant témoignage. Mais j’étais fils unique et issu d’un milieu plus protégé que lui, mes parents sont vite venus s’installer au Puy pour m’éviter les affres d’un internat que je n’ai supporté qu’un an.

J’étais désormais seulement marqué par la valeur des enseignants qui pouvaient me donner envie de faire le même métier qu’eux. D’abord Monsieur MALZIEU dont la force nous impressionnait et nous protégeait et qui nous aidait de ses conseils littéraires éclairés durant les études.

Monsieur RIVET dont les cours nets et rigoureux nous faisaient comprendre, avec son humour caustique, l’esprit du passé et qui nous offrait l’exutoire du théâtre. Ah ! Le théâtre au lycée ! Le théâtre sans les filles, mais avec notre camarade ETHIEN en travesti, voué aux rôles de soubrettes. Quelle Frosine splendide il fut ! Nul doute qu’ALMODOVAR, s’il eut pu le voir jouer avec nous, lui eut réservé un rôle dans ses films : ’’ Talons aiguilles ’’ et ’’ Tout sur ma mère ’’. Et PONS en Harpagon ! Et BLAZY dans ’’ Misère et noblesse ’’ Je fus un lamentable docteur Knock, abusant du cliché des cliquetis impressionnants du squelette de la salle de science naturelle, comme si l’angoissant texte de Jules ROMAIN n’eut pas suffi à apeurer les consultants en bonne santé.

Nous faisions un autre ’’ cirque ’’ dont je suis moins fier, en plein cours de mathématiques, aux dépends d’un professeur auquel je rends aujourd’hui hommage. Il est le seul matheux qui ait jamais essayé de m’apprendre les maths avec son corps tout entier et j’ai souvent pensé à lui quand j’avais ’’ le corps ’’ au programme avec les prépas ESC.

Incarner les abstractions pythagoriciennes, danser la musique des sphères : quel challenge !
C’est pourtant ce que tenta monsieur BRUON en arpentant sa salle devant nous, dans tous les sens, pour nous expliquer la relation de CHASLES : ‘’ je fais trois pas en avant ! Maintenant je fais deux pas en arrière …‘’.

Quel succès ! J’étais bien, je vous le jure, sur le point de comprendre enfin la relation mathématique quand l’un de ces ‘’ petits salauds ‘’ ( que nous étions tous ) a sournoisement tendu le pied, rompu le charme mathématique et fait de monsieur BRUON un ‘’ Pilou ‘’ qui tombe.

Mais si j’avais compris vraiment et réussi à ‘’ intuiter ‘’ les maths comme le Bix ou le Kinou, monsieur Pierre PICON, aurais-je eu seulement la chance de vous rencontrer ? En effet mes parents m’avaient poussé à préparer un bac Math élem, après une première partie de bac A, sous le prétexte qu’avec un bac scientifique, des tas de carrières s’ouvraient à nous ( comme si on pouvait les prendre toutes ).

J’ai alors éprouvé mes premières difficultés scolaires dans ce lycée. Les sources de mes problèmes étaient multiples et pas toutes désagréables. L’une d’elles tenait à l’arrivée de six demoiselles parmi nous. Nous n’en avions jusque là que pressenti l’existence, à distance de boule de neige, derrière les murs du centre scolaire privé St Joseph.

Mais comment aurais-je pu, avec le parfum de leur présence, regarder droit devant moi monsieur PAILLET, en quête de lieu géométrique sur son estrade, aussi souvent qu’il eut fallu ? L’une de ces nymphes s’appelait mademoiselle d’EULER et notre maître de physique adoré, ‘’ le Jacques ‘’, la faisait venir avec gourmandise au tableau noir pour l’interroger, en soufflerie, sur ‘’ la résistance de l’air ‘’.

Il reste que la principale source de mes difficultés tenait à ma faiblesse en mathématiques et en chimie. J’échouai en juin et je ne fus reçu qu’en septembre. Bienheureux échec de juin ! En effet mes parents ne se cramponnèrent plus à mes aptitudes scientifiques limitées et ils m’accordèrent la permission de passer toute une année auprès de ce professeur de philosophie dont tout le monde vantait les mérites. J’avais déjà le bac, c’était donc ‘’ la philo et rien d’autre ‘’. Et je ne fus pas déçu.

Cet homme droit comme un I, au visage émacié, ressemblant à Henri MICHAUX, mon écrivain préféré. Georges CANGUILHEM, grand épistémologue et encore président de mon jury d’agrégation en 1967, était venu un jour l’inspecter pour lui proposer un très grand lycée parisien. Pierre PICON restait chez nous pour des raisons de santé et donnait à une quinzaine d’élèves un enseignement d’élection.
Il ne prenait pas comme tant d’autres des libertés avec le programme mais il avait l’art d’en faire varier à foison les directions, car son immense culture, sans cesse mobilisée, métamorphosait ce carcan en une sorte de geyser aux jaillissements lumineux et fascinants.

Pas trop de jargon philosophie même si aucun concept fondamental ne venait à manquer : nous connaissions la différence entre le transcendantal et le transcendant, l’à priori et le nécessaire. Mais sa grande originalité tenait à ce que, avec lui, la littérature et la philosophie devenaient des vases communicants. Là où l’une n’allait pas jusqu’au bout, il savait faire appel à l’autre et une analyse de ‘’ l’attente ‘’ abordée avec HEIDEGGER dans ‘’ Être et Temps ‘’ pouvait nous emporter, avec le bonheur de comprendre, du coté de Frédéric attendant vainement Marie ARNOUX, rue Tronchet, dans le roman de FLAUBERT ‘’ L’éducation sentimentale ‘’.

Ce refus de fossés entre les disciplines allait de pair avec le rejet des murs de Berlin ou de Gaza entre les hommes. Il savait greffer le cosmopolitisme stoïcien dans nos cœurs. Certes on pouvait être engagé et de parti pris à condition de le faire comme Agrippa d’AUBIGNE. ‘’ Jamais je n’ai trouvé sous sa plume un seul mensonge ‘’. Ce grand poète, rapporteur protestant des guerres de religion était capable de dénoncer son propre camp, s’il pratiquait la torture, et nous comprenions une fois pour toute que, s’il ne nous serait guère possible de rester toujours neutres, nous ne serions jamais dispensés de l’effort d’impartialité.

Tel MICHELET, qui n’aimait pas ROBESPIERRE, mais qui l’appelait tout de même : ‘’ l’incorruptible ‘’. L’exigence première, celle de la connaissance de soi, n’avait, dans sa bouche, jamais rien d’exagérément intellectuel. La mémoire était pour lui l’épreuve de notre personnalité. Ce que nous sommes, nous ne le tenons pas du passé vécu mais du passé préservé. Nous avons les souvenirs que nous méritons.

Pierre PICON y voyait le prélude d’un jugement dernier : celui que nous portons sur nous même : c’est ‘’ l’homme qui se souvient ‘’. Car il n’y a aucune mauvaise foi qui puisse résister sérieusement devant le ‘’ tribunal de soi ‘’. Nous savons ce que nous avons fait, même après avoir fait ‘’ bonne figure ‘’ et exprimé ‘’ bonne conscience ‘’, en représentation devant les autres.

Il faut bien le dire, notre maître ne nous témoignait pas une tendresse exagérée et savait faire preuve à l’occasion de sarcasmes flirtant avec la sagesse cynique. Au plus faible il disait volontiers : ‘’ mon pauvre X, le bac ne sera pas encore pour cette année ! ‘’ quitte ( heureusement ! ) à se tromper.

Aux meilleurs il réservait la belle phrase de PASCAL : ‘’ les reines de village ne sont pas toujours belles ! ‘’ citation dont nombre d’entre nous ont eu l’occasion de mesurer l’amère vérité en débarquant, avec leurs petits livres de prix, dans des grands lycées où la compétition pour les concours était tellement plus relevée.

Certes pour m’encourager dans mon plein temps philosophique il m’avait bien mis par deux fois vingt sur vingt en dissertation, mais j’avais vite pu relativiser ce triomphe. En effet lorsque j’avais osé, en ‘’ roulant les mécaniques ‘’, retoucher la dissertation de mon ami François CHAMBONNET, celui-ci avait obtenu un sept sur vingt qui m’avait vite remis à ma place, même si la note était restée bien injustement attachée à son nom.

Par ailleurs tout commencement d’abus de pouvoir de l’administration à nos dépends amenait ‘’ le Pierre ‘’ à nos cotés. Si Yves TAVERNIER s’est étonné, l’année dernière, dans son discours, du fait que le proviseur corse de l’époque soit si peu sorti de son bureau, je crois connaître la réponse. Il avait toutes les raisons de s’y tenir blotti car il savait d’expérience qu’il serait immanquablement ‘’ allumé ‘’ ou au mieux encore, souverainement dédaigné, à la moindre de ses timides irruptions dans les classes de monsieur RIVET ou de monsieur PICON, seuls ‘’ maîtres avant Dieu ‘’ dans leur classe.

Cette année consacrée à la philosophie ne m’a laissé que de bons souvenirs. Elle ne fut pas monastique pour autant grâce à ce diable de CHAMBONNET qui me poussa à acheter avec lui une CITROËN trèfle de 1926. Il la bichonna de son mieux et elle fut, pour notre immense contentement, la figure de proue du monôme du bac. Hélas, la peinture n’était pas tout à fait sèche et nous n’aurions jamais du permettre à nos copines de s’asseoir à l’arrière, leurs jolies jambes ballantes, autour de la queue de canard. Elles étaient très fâchées contre nous le lendemain avec leurs belles robes de bal souillées de tâches jaunes bouton d’or ‘’ en dépit de leur plein gré ‘’.

Après une année de lettres supérieures au lycée du Parc, à Lyon, où Jean LACROIX ne me fit pas oublier Pierre PICON, je rendis visite à ce dernier pour lui annoncer fièrement que j’étais reçu premier à l’IPES et que j’avais choisi de prendre l’option philosophie, plutôt que l’option lettres classiques, en souvenir de lui. Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Il me déclara en faisant la grimace : ‘’ vous savez, réfléchissez bien, moi je me suis trompé de voie, je suis en train de lire SAINT-SIMON, c’est remarquable ! J’aurais du étudier et enseigner l’Histoire ‘’. Alors un peu secoué quand même, je suis reparti, en admirant l’ouverture indéfinie du champ culturel de cet homme, et en me cramponnant à ma vocation toute fragilisée.

J’ai fait ensuite la carrière que j’ai pu. Mon père avait commencé sa carrière militaire à Saint-Etienne. Par un concours de circonstance ( dossier de demande de poste à Lyon perdu au rectorat ), j’y débutais aussi comme adjoint d’enseignement puis comme agrégé au Lycée Claude FAURIEL.

Je fus assez engagé en 1968, dans les événements que l’on sait, pour en retenir la conclusion désabusée de WOLINSKI : ‘’ Nous avons fait 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus ‘’.

Enseignant d’abord en terminale, puis en lettres supérieures, mes ambitions restaient à la mesure de mes moyens. Je refusai deux fois la première supérieure où j’aurais du enseigner une philosophie abstraite, pure et dure dont je ne me sentais pas tout à fait capable. Je préférais l’existentialisme et la phénoménologie plus proches du chassé croisé avec cette littérature que ma mère aimait tant et pratiquait si finement et dont maître PICON m’avait montré, une fois pour toute, la nécessité philosophique.

Je pus me rattraper largement en étant chargé de la responsabilité de classes de Taupes sup et spé bio où le programme était mixte : par exemple ‘’ l’œuvre d’art ‘’ avec ‘’ Le chef d’œuvre inconnu ‘’ de BALZAC, ‘’ A l’ombre de jeunes filles en fleur ‘’ de PROUST, et ‘’ Lettres à un jeune poète ‘’ de Rainer Maria RILKE ; ou ‘’ la passion amoureuse ‘’ avec ‘’ Tristan et Iseult ‘’ version BEROUL, ‘’ Roméo et Juliette ‘’ de SHAKESPEARE et ‘’ Les liaisons dangereuses ‘’ de LACLOS.


On me confia aussi des classes préparatoires commerciales dont le thème de concours changeait : ‘’ la nature ‘’, ‘’ autrui ‘’, ‘’ le pouvoir ‘’ et où le panachage des analyses, littéraires, philosophiques et même cinématographiques ( l’analyse filmique est mon péché mignon ) était non seulement permis mais recommandé et fécond. Je baignais dans mon jus de disciple ‘’ du Pierre ‘’.

Vous voulez un exemple et bien je vais vous rafraîchir la mémoire : tenez supposons que le thème de l’année soit ‘’ l’expérience de l’instant ‘’ ( en 1999 pour les taupins ). Qu’est ce que ‘’ le Pierre ‘’ nous a appris là dessus ? et qui puisse servir encore à ses petits élèves quand ils sont devenus de vieux retraités comme nous. Accrochez vous ! faites cela en mémoire de lui !

Le cours s’appelle : ‘’ temps et éternité ‘’. Évidemment ces deux notions s’opposent radicalement : l’éternité excède le temps, elle le nie. Et pourtant essayez un peu de concevoir l’éternité sans vous référer peu ou prou au temps ? On a fait de l’éternité un temps qui n’a jamais commencé ou qui ne finira jamais mais est ce là l’éternité qui excède le temps ? Non !

On a simplement perpétué le temps, avec la succession, sans en changer la nature. Alors on a envisagé l’éternité comme un temps toujours recommencé : c’est le thème du retour éternel depuis le Timée de PLATON. Mais c’est toujours prendre le modèle du temps pour le prolonger, cette fois non plus horizontalement, mais circulairement.

Et puis, ce n’est guère à notre portée et si l’éternité était, dans le temps, tel que nous le subissons puisqu’on part toujours de lui, comme un instant de plénitude, comme un surgissement vertical qui excède vraiment l’ordre temporel cette fois, puisque nous avons l’impression qu’il n’y avait rien avant, qu’il n’y aura rien après, que le temps est suspendu et , comme l’a dit SHAKESPEARE, ‘’ hors de ses gonds ‘’.

Des exemples de tels instants ? NIETSZCHE écrit : ‘’ Tout amour rêve à l’instant et à l’éternité, jamais à la durée ‘’. Instant de la promesse de l’amour, de la guérison ou du retour de l’enfant perdu, de la libération de l’otage, de la béatitude du sage.

Mais redescendons sur terre, avec les anciens que nous sommes : des instants de joie toute simple, avec un ou deux amis choisis, dans une activité de loisir élue et partagée avec passion.

Après tout ce que j’ai dit, je me dois de donner un exemple littéraire. Dans sa nouvelle ‘’ Deux amis ‘’, MAUPASSANT décrit un instant de plaisir partagé et retrouvé envers et contre tout. Les deux amis vont avoir l’audace de sortir en douce de Paris, assiégé par les Prussiens, pour aller à la pêche. Vous rendez-vous compte ? Aller à la pêche ‘’ en temps de guerre ! ‘’ quelle façon inouïe de nier le temps !

Lisons MAUPASSANT : ‘’ Ils introduisaient délicatement les poissons dans une poche de filet à mailles très serrée, qui trempait à leurs pieds. Et une joie délicieuse les pénétrait, cette joie qui vous saisit quand on retrouve un plaisir aimé dont on est privé depuis longtemps. Le bon soleil leur coulait sa chaleur entre les épaules ; ils n’écoutaient plus rien ; ils en pensaient plus rien ; ils ignoraient le reste du monde ; ils pêchaient. Mais soudain … ‘’ Évidemment cela ne va pas pouvoir durer. Et pourtant voilà un bel ‘’ instant atome d’éternité ‘’ à notre portée sans doute, mais à nos risques et périls!

Je vous souhaite de goûter des instants comme ceux-là, mais plus paisibles. En tout cas revenir parmi vous, c’était la chance de pouvoir évoquer des moments qui comptent. C’était pour moi plus que pour tout autre revenir aux sources. J’ai essayé de vous le montrer. Merci de me l’avoir permis. Merci de votre attention.

Michel de GAUDEMARD

Retour - Publié le Samedi 03 Janvier 2009

 

Liste des commentaires

Vous devez vous connecter ou devenir adhérent pour écrire des commentaires

Annuaire des anciens élèves

Recherche annuaire

Espace adhérents

Devenez adhérent !

Vous êtes déjà adhérent ?

Accéder à l’annuaire, aux photos de classe, aux publications de l’association, etc ...

Lettre d'informations

Inscription à la lettre d'information
"La Petite Dépêche de Dupuy et du Puy"

Formulaire d'inscription à la newsletter

désinscription